L'Archéologie


Une chronologie encore imprécise

En dépit de son apparente homogènéité, Notre-Dame du Vignogoul ne se livre pas facilement et sa chronologie est encore imprécise. Entreprise au cours de la première moitié du XIIe siècle, à l'emplacement de l'ancienne église Sainte-Madeleine de Bonlieu, elle est dotée à partir de 1247 d'un choeur à trois absides sans doute à l'initiative de la première abbesse, Elisabeth d'Alignan, d'une famille renommée en Languedoc, soeur de Benoît d'Alignan, moine de Valmagne devenu en 1229 évêque de Marseille, fondateur de l'abbaye cistercienne du Mont Sion.

Bref regard sur l'architecture

Dans la nouvelle construction, l'abside centrale précédée d'une travée d'avant-choeur, est flanquée de deux chapelles latérales formant un faux transept, ouvertes par une grande arcade et terminées par une absidiole. La nef unique présente trois travées voûtées d'ogives au milieu du XV e siècle seulement. Sur l'avant-choeur s'ouvre un élégant triforium à trois arcades trilobées retombant sur de fines colonnettes, amorcé aussi dans la nef.

A l'extérieur, l'élément le plus remarquable de la façade sud est le portail qui mettait l'église en communication avec le cloître aujourd'hui disparu. Tympan et linteau sont dépourvus de toutes décoration et la voussure retombe sur deux colonnettes à chapiteaux à crochets. Au chevet, des colonnes engagées font office de contreforts. Au dessus de la corniche soutenue par des modillons sans décoration, apparaît une couronne de pignons ajourés d'oculi largement refaits,comme le reste de la toiture, lors des restaurations entreprises en 1912-1913 par l'architecte Julien Boudes appelé alors par l'Abbé Prévost.

Une église cistercienne

Telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui, Sainte-Marie du Vignogoul présente un réel intérêt pour l'histoire de l'architecture gothique régionale. Il s'agit, en effet,d'un édifice incontestablement cistercien, encore imprégné de souvenirs romans tout en se situant au coeur de la modernité du XIIIe siècle.
Par son dépouillement, la grande rigueur de ses formes architecturales, l'harmonie de ses propositions, l'édifice s'inscrit tout-à-fait dans la spiritualité de Cîteaux. Ici, le décor est réduit à de simples motifs floraux ou végétaux. Il ne faut pas non plus oublier qu'il s'agit d'une église de moniales et non de moines, construite, comme la totalité des églises de la branche féminine de l'ordre, à partir du XIIIe siècle. Et dont on retrouve ici les dispositions générales : les dimensions plus réduites, la nef unique de trois travées au lieu des cinq ou sept des églises d'hommes, l'absence de collatéraux et de transept, l'accès au cloître par la porte sud, l'absence de porte occidentale (celle du Vignogoul semble, en effet, n'avoir été ouverte qu'au XVIIIe siècle). D'autres détails évoquent encore l'obédience cistercienne, comme le choix d'un choeur tripartite et le triplet qui éclaire le sanctuaire, évocation directe de la Trinité, dont le dogme était au coeur des préoccupations spirituelles de l'ordre.

«Nostalgies» romanes et modernité gothique

Par sa grande muralité, son extrème dépouillement et la sobriété des formes, qualités essentielles de l'architecture cistercienne, Sainte-Marie du Vignogoul témoigne aussi de la résistance locale de l'art roman aux formules importées du gothique septentrional, car on ne peut y reconnaître aisément quelques "nostalgies" romanes, comme l'emploi des solides contreforts, la composition générale de la porte sud, ou encore les colonnes engagées du chevet. Mais cette église, "un des plus jolis édifices gothiques sur la terre languedocienne..." (H.-P. Eydoux), est aussi l'oeuvre d'un bon connaisseur du gothique français à travers la filière cistercienne, l'un des derniers jalons de l'influence de "l'art français" dans le Midi languedocien, par la présence d'un triforium, le décor des clefs de voûte, et surtout les chapiteaux à crochets de feuillage stylisé des absides et du portail sud, tout à fait caractéristiques du gothique rayonnant du XIIIe siècle...

Jean Nougaret
Conservateur du Patrimoine

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